samedi 30 septembre 2017

Germain Delatousche

Germain Eugène Delatousche (1898-1966) est un peintre et graveur français du XIX et XXe siècle.


Fils d'un jardinier chartrain, né à Châtillon-en-Dunois (Eure-et-Loir)  le 27 octobre 1898, non loin de Chartres, Germain Delatousche révèle son goût pour le dessin vers l'âge de huit ans. Vendeur au Nouvelles Galeries au Mans, il monte tenter sa chance à Paris où il devient calicot, chanteur comique, barman, peintre en bâtiments, postier, garçon limonadier, maçon. Membre de la bohème artiste et prolétarienne, il s'attache à peindre le Vieux-Paris, de Montmartre comme de la Butte aux Cailles, et, au-delà, la misère par le prisme exclusif des paysages urbains, "des architectures de la pauvreté" selon Michel Ragon. Pauvre et handicapé par une jambe raide à la suite d'un accident dans sa prime jeunesse, joyeux et courageux, le peintre figuratif oeuvre initialement dans son atelier de la Butte-aux-Cailles avant d'adopter en 1941 celui du 33 rue Croulebarbe, dans le XIIIe arrondissement. Par son obsession pour les paysages urbains, par son goût pour une matière généreuse, par sa palette refusant la compromission des beaux effets de lumière, par la sincérité de sa démarche, l'univers pictural de ce peintre figuratif s'inscrit dans la veine de la peinture de son aîné Maurice Utrillo, et la transcende. A son arrivée à Paris, il fréquente les cabarets de Montmartre où il expose avant d'entrer dans les galeries. En mai 1919, il organise la première exposition collective depuis la fin de la guerre au café La Comète : Résurrection du Quartier Latin. Toujours en 1919, il participe au Salon des Jeunes Peintres. Dès 1920, un envoi est accepté au Salon des Indépendants. Puis il est embauché en  mai 1921 au cabaret montmartrois de Jules Depaquit,  La Vache Enragée. Là, jusqu'en 1927, il organise les expositions collectives du groupe de peintres réalistes qu'il fonde : Les Compagnons. Mais clochard à l'été 1922, le miséreux expulsé erre alors entre Montmartre et Montparnasse avant de devenir décorateur sur verre à l'atelier Gauthier dès septembre. 
En 1925, Georges Turpin fait une étude biographique de Delatousche dans Quelques Peintres du Temps PrésentEn 1926, Delatousche est membre du groupe "Les Partisans" avec Paul-Emile Pissarro, Louis Moreau et Pol Ferjac, caricaturiste au Canard Enchaîné. En 1927, celui que Henry Poulaille (romancier, conseiller littéraire chez Grasset, découvreur de Jean Giono), considère comme un "peintre prolétarien" est élu sociétaire du Salon d'Automne. Cette année-là, il y reçoit un "Grand prix" pour l'ensemble de son oeuvre. En juin 1927, dans  le sixième numéro de la revue dartistique niçoise Mediterranea, Delatousche est évoqué. Il illustre aussi cette revue d'art d'avant-garde à l'audience internationale. C'est la fin des années de galère, il a 29 ans. En mai 1929, il participe à une exposition collective à la mairie du XIIIe arrondissement organisée par le Cercle des Gobelins. A l'été 1937, lors de la guerre civile espagnole, l'engagé Delatousche participe également à une exposition d'oeuvres d'art vendues en faveur des orphelins de Llansa Catalunya en Espagne avec les peintres Maximilien Luce, André Claudot et Maurice Vlaminck. En 1937, dans le cadre de l'Exposition Internationale à Paris, la direction des travaux d'art commande à Delatousche une peinture destinée à une palissade. 
En 1941, le mécène, amateur d'art, critique et industriel Jean-Daniel Maublanc (1892-1965) lui consacre une belle monographie de 110 pages. Commandés par des éditeurs, ses bois gravés  illustrent plus d'une cinquantaine de livres, dont ceux d'Eugène Bizeau, de son ami Henry Poulaille, Francis Carco, JH Rosny, Régis Messac, René-Guy Cadou, Maurice Constantin Weyer, Charles Auguste Bontemps, Charles Nodier, Jules Vallès, René Ringeas, Gaston Couté, Fernand Planche. "Vedette de la littérature prolétarienne" selon Ragon, il côtoie ses amis écrivains. De tempérament anarchiste, il illustre les journaux de ses amis libertaires (La Vache Enragée, Les Primaires, Feuilles Livres, Défense de l'Homme, Maintenant et Le Musée du soir). Il a  pour ami l'écrivain Lucien Bourgeois, ami de Ramuz et Barbusse, protégé de Poulaille. Parmi les peintres, Delatousche a pour ami le jeune peintre abstrait James Guitet (1925-2010) qu'il aide généreusement à Paris ; Paul Charlemagne (1892-1972), découvert et exposé chez Drouant-David en 1944 ;  Edmond Heuzé (1883-1967),  galeriste, académicien français et professeur aux Beaux-Arts de Paris ; Charles Kvapil (1884-1957), tous peintres dont les oeuvres ornent les murs de l'atelier de Delatousche.  Il fréquente Maurice Joyeux et le jeune Georges Brassens, intègre la Confrérie des Chevaliers du Taste-Fesses (fondée en 1959 par Boris Vian, Pierre Dac, Léo Campion). En août-septembre 1965, il participe au Premier Salon au Museo San Telmo à San Sebastian. Gravement malade, il meurt en octobre 1966.  Dans ces années 60, au 33 rue Croulebarbe, apparait le premier gratte-ciel à usage d'habitation de Paris.
Le Musée Carnavalet à Paris conserve l'une de ses toiles dont l'achat initia un mouvement de collectionneurs fidèles autour du nom de Delatousche. Le Musée d'Art et d'Histoire de Dreux (Eure-et-Loir) conserve une toile de Delatousche datée de 1935, Le Passage Moret.  La succession Germain Delatousche est réalisée en 2010 à Nantes. Toujours en 2010, la figure de Delatousche est évoquée dans Mastatal  de l'écrivain britannique Malcolm Menzies. Son oeuvre est naturellement appréciée de l'écrivain et critique Michel Ragon, son ami, qui évoque sa figure généreuse dans D'une berge l'autre en 2013 et dans Histoire de la Littérature prolétarienne. en langue française.  Dans son Art of the Defeat, Laurence Bertrand Dorléac cite Delatousche. En 2016, les éditions Plein Chant lui consacre une monographie comprenant 300 illustrations.  « Il y a des artistes qui sont condamnés à attendre. Delatousche est de ceux-là, mais son œuvre viendra… » notait Poulaille. Après une période de purgatoire, l'œuvre de Delatousche est  aujourd'hui au début de sa redécouverte.  S'il est un peintre attachant  par la force de son œuvre et de son tempérament, c'est bien Delatousche. N'a-t-il pas inspiré un Michel de Gallard (1921-2007) ?












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